Manifeste pour un réveil écologique de la culture
Nous sommes Réveil Culture, un collectif créé par des étudiant·e·s de l’enseignement supérieur de la culture.
Ensemble, nous nous sommes donné pour mission, avec nos petits bras et beaucoup d’enthousiasme, de mobiliser les publics, les professionnel·le·s et les étudiant·e·s de la culture pour accélérer la transition écologique et sociale du secteur dans lequel nous rêvons de travailler.
Parce que, comme le montrait la période de pandémie de Covid 19, la culture est très exposée aux risques sanitaires et climatiques.
Parce que les scientifiques et les expert·e·s nous annoncent que ces risques augmentent de jour en jour.
Parce que les étudiant·e·s comme les professionnel·le·s de notre secteur veulent imaginer une culture responsable et soutenable.
Parce que la viabilité du fonctionnement du secteur doit prendre en compte les inégalités et les injustices.
Parce que passer à l’action collective nous demande de nous adapter et de nous renouveler en accord avec le monde qui évolue dans le respect du vivre ensemble.
Parce que l’écologie sans “ réelle politique écologique revient à du jardinage”. 1
Parce que les récits que nous souhaitons porter ont pour nous les conditions de se vouer à une existence participative, inclusive, et pluridisciplinaire.
Parce que la Culture à l’image de notre société est en perpétuelle évolution.
Et parce que la Culture nous a terriblement manqué pendant la crise sanitaire de 2020 et que nous voulons continuer d’émouvoir et de nous émouvoir dans les années, siècles à venir.
Que vous soyez étudiant·e, artiste, technicien·ne ou public de la culture, les études que nous avons menées ces dernières années nous concernent tous et toutes !
L’urgence climatique…
Est-il encore nécessaire de le rappeler, toutes nos activités dépendent d’énergies fossiles qui se raréfient et aggravent un problème climatique majeur. Au rythme actuel, nous nous dirigeons vers un monde où la température moyenne sera supérieure d’au moins 4 degrés à celle de la deuxième révolution industrielle d’ici 2100.
Dans un tel contexte, les risques migratoires, alimentaires et sanitaires seraient sans commune mesure avec la crise que nous traversons.
Respecter les accords de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici 2100 nous apparaît donc d’une urgence absolue, bien que difficilement réalisable. Et même si nous les respections, certains chocs seraient inévitables, y compris sur notre territoire : ainsi, près d’un million de Français·e·s vont être directement concerné·e·s par les montées des eaux d’ici 2050. 2
… est une urgence culturelle
Que faire ? Pour nos dirigeant·e·s, les secteurs à transformer semblent déjà identifiés. Face aux transports, aux bâtiments, à l’agriculture, au numérique, à l’énergie… l’impact de la culture est souvent considéré comme négligeable.
Et pourtant…
Vous avez dit transports ?
La culture et les loisirs sont la troisième cause de mobilité des Français·es et la moitié des 87 millions de touristes internationaux que nous accueillons visitent notre patrimoine.
Vous avez dit bâtiments ?
Les bâtiments culturels se comptent en dizaines de milliers sur notre territoire : 16 000 lieux de lecture publique, 2000 cinémas, 2100 musées, 440 lieux de spectacle et 500 librairies labellisées par le ministère de la Culture. 3
Vous avez dit agriculture ?
Un festival qui sert 500 000 repas avec de la viande a la même empreinte carbone que 100 Français·es sur une année.4
Vous avez dit numérique ?
La culture représente environ les deux-tiers du poids des données échangées sur internet. 5
Mais notre secteur n’est pas armé pour faire face à l’urgence.
Notre première étude et le sondage de 2020 avait montré que 88% parmis plus de 300 acteur·rices, étudiant·e·s et professionel·le·s n’ont jamais été formé·e·s pour traiter les enjeux climatiques, mais qu’iels étaient tou·te·s prêt·e·s à s’engager !
Alors que la formation aux enjeux climatiques dans le secteur culturel constituait un point de départ pour faire avancer la culture, notre imaginaire collectif néglige une dimension submergée : les disparités d’expériences et les discriminations indirectes liées à la transition écologique reflètent les inégalités sociales inhérentes au fonctionnement même de la culture.
Vous avez dit justice sociale ?
L’éco-fragmentation du monde, ou le morcellement entre toutes les espèces vivantes, repose non seulement sur la biodiversité en danger, mais sur nos manières d’habiter le monde. Les 10% les plus riches émettent plus de 50% des taux d’émissions des GES, tandis que les 50% les plus pauvres émettent 10% des émissions des GES.
La justice sociale ne doit pas rester centrée uniquement sur les normes les plus stigmatisantes, telles que les inégalités du genre. Alors que seulement 26% des femmes ont été nommées aux Césars depuis 1976 avec une seule femme qui a été distinguée en 2000, lors de la canicule de 2003, la mortalité chez les femmes a été 15% supérieure à celle des hommes.
Vous avez dit état d’alerte ?
A l’horizon 2050, la migration climatique pourrait devenir exponentielle. En effet, entre l’Afrique subsaharienne, l’Asie de l’Est et Pacifique, l’Asie du Sud, l’Afrique du Nord, l’Amérique latine, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, ce pourrait être 216 millions de migrants climatiques.
Nous n’avons donc plus le choix : si nous voulons limiter l’impact de ces activités, dont les causes et conséquences sont intrinsèquement liées, c’est bien la Culture qu’il va falloir continuer de réinventer. Les démarches RSE mises en place dans le secteur, telles que la réduction des déchets, l’éco-conditionnalité des aides financières, la parité du genre, la lutte contre les pratiques du greenwashing, ou l’éco-conception des bâtiments culturels servent la transition, mais elles ne sont pas assez pour faire face à l’urgence.
Nous cherchons donc à comprendre comment, avec le prisme contemporain de nos jours, les acteur·rices de la culture les plus actif·ve·s ont pu réussir un modèle où la diversité sociale fait partie de l’ADN des structures engagées, et comment nous, en tant que collectif étudiant, pouvons suggérer des modèles d’organisation collective alignés avec nos valeurs.
À nous de changer de culture
Aujourd’hui, nous relançons Réveil Culture, pour faire un état des lieux en 2023 et continuer de bouger les lignes.
Nous, étudiant·e·s et futur·e·s professionnel·le·s du secteur culturel, espérant participer à culture soutenable et respectueuse du vivant, demandons :
– À ce que les enjeux de l’écologie, de l’énergie et du climat soient intégrés au cursus de toutes les formations de l’enseignement supérieur culturel ;
— À ce que le développement d’une dimension sociale implique une prise de paroles sans inégalités et une participation active de tou.te.s les acteur.rice.s de la société ;
— À ce que le secteur culturel prenne en compte dans sa programmation, son art, sa dynamique, des modèles sociaux plus représentatifs de notre société plus juste, plus sensible, et plus accessible.
À ce que les modes de connaissances et de savoir se décentralisent pour laisser la parole à celles et ceux qui ont des choses à dire ;
– À ce que les professionnels·le·s déjà en poste soient formé·e·s à ces enjeux via la formation continue ;
– À ce que les solutions sérieuses soient soutenues par les pouvoirs publics et les institutions qui en dépendent via la mise en place de l’éco-conditionnalité des aides ;
– À ce que la pensée extractiviste de notre société capitaliste qui repose sur l’assimilation et l’exploitation de toutes ressources extérieures soit reconnue comme faisant partie du spectre couvert par le secteur culturel.
Nous mesurons déjà le coût de notre modèle actuel et avons besoin de perspectives, d’un avenir, d’un cap.
Loin d’un constat fataliste, nous, Réveil Culture, voulons dire une chose : il est temps de changer.
À nous :
– d’éco-concevoir les œuvres ;
– d’allonger les temps de création et d’exposition ;
– de réinventer nos modes de diffusion ;
– de mutualiser nos moyens techniques ;
– de penser et d’amorcer la nécessaire sobriété numérique ;
– de nourrir autrement nos équipes artistiques, administratives, techniques et nos publics ;
– de penser des œuvres et des événements qui s’inscrivent pleinement dans leurs territoires ;
– de nous réinventer avec le public et pour le public ;
— de donner la parole à celleux dont la parole est souvent négligée ;
— de transformer les dynamiques de représentations de l’Autre pour favoriser davantage la tolérance et l’attention aux altérités, aux écosystèmes impactés par nos actions, respectant ainsi toutes les formes de vies ;
— de réinventer les modèles de réussite ;
— de restaurer le partage comme mode d’éducation, d’inspirer l’inclusion comme principe fondamental, et de promouvoir l’équité comme objectif central.
Cette voix que nous portons concerne tout le monde, afin de se mobiliser ensemble pour cette transition écologique et sociale du secteur culturel. Au sein de Réveil Culture nous souhaitons rendre possible une transition culturelle avec tou.te.s :
Les communautés indigènes et autochtones, femmes, hommes, personnes queer, personnes d’origines étrangères, les populations rurales ou vivantes en périphéries urbaines, les communautés cotières, les communautés migrantes et refugiées, les malvoyant·e·s, les malentendant·e·s, les personnes neurodivergentes, les personnes à mobilité réduite, les communautés socialement défavorisées mais que nous nous engageons à fortement valoriser…
À nous, nous sommes prêt·e·s.
- Inspiré par “L’écologie sans luttes des classes, c’est du jardinage”, mantra du militant syndicaliste Chico Mendes, figure de proue de la lutte contre la déforestation de l’Amazonie. Dans Un Slogan au rayon X, Octave Lamargnac-Matheron. ↩︎
- https.//actu.fr/sciences-technologie/carte-million-francais-sont-menaces-par-montee-eaux-etes-vous-concerne_29029824.html ↩︎
- Chiffres clés de la culture, ministère de la culture ↩︎
- L’empreinte carbone d’un.e français.e est d’envirion 12 tonnes, un repas avec de la viande rouge représente près de 5kgGepCO2. ↩︎
- Rapport du Shift Project. (Juillet 2020) ↩︎